Jeudi 31 août
Distance 154 km – Dénivelé 600 mètres
Inquiétudes
La météo annoncée n’est pas terrible. J’interroge le viticulteur qui reçoit des bulletins météorologiques précis indispensables à son activité. D’après ses informations, le temps est mitigé ce matin, mais je ne devrais pas avoir de pluie. Il n’est pas très optimiste pour l’après-midi. Je prends congé de ce couple sympathique et pars en direction des Landes. Je suis en forme, j’ai beaucoup transpiré durant la nuit. J’ai dû me débarrasser de mes miasmes.
Brouillard
Le début du parcours est accidenté au milieu des coteaux du vignoble du bordelais. Des nappes de brouillard, encombrent par endroits le creux des vallons. Je vais traverser la Garonne à Cadillac sur Garonne. La route est maintenant bordée par des forêts de chênes lièges et des cultures de maïs.
Le temps est en train de changer, une fine bruine s’abat sur la région, je vais m’arrêter à Moustey pour déjeuner, je ne vais pas traîner car un vent violent se lève et la pluie commence à tomber drue.
Le vent
À partir de Moustey, ce sont des pins et encore des pins qui bordent une route sans relief au revêtement granuleux et au rendement nul. J’ai horreur de ce terrain.
Le vent qui vient de la mer et qui souffle en rafale ralentit considérablement ma progression. J’arrive à Pissos où je me réfugie dans un bar en même temps qu’un groupe de pèlerins qui rallient Saint-Jacques-de-Compostelle par la voie des Landes. Certains dans le fond de la salle sont en train de prier. J’espère qu’ils implorent le Seigneur pour qu’arrive enfin l’accalmie tant espérée.
La dévastation
Après Pissos, je peux constater les dégâts provoqués par l’incendie de l’année dernière. Par endroit, le feu s’est arrêté à quelques mètres des habitations.
Les flammes ont tout ravagé sur leur passage, laissant derrière elles des pins calcinés et un spectacle de désolation. Quelle triste vision apocalyptique de ces beaux chênes lièges dont il ne subsiste que des squelettes décharnés !
Seul espoir, une végétation clairsemée et des fougères commencent à tapisser le sol, la nature reprend lentement et progressivement ses droits.
La misère
J’arrive mouillé et fourbu à Saint-Julien-en-Born. Sur le papier, c’était l’étape sans difficulté, mais ce ne fut pas une sinécure dans sa partie landaise en raison du relief et de la mauvaise météo. Je n’en garderai pas un souvenir impérissable, il en sera de même pour le dernier gîte : une maison sans âme avec des propriétaires préférant les touristes aux cyclistes de passage.
Le seul restaurant ouvert dans ce bourg est un restaurant gastronomique, avec à la carte des prix astronomiques. Certes les menus proposés sont savoureux, mais ce n’est pas vraiment l’endroit rêvé après une longue journée d’effort.
Les convives des tables voisines rivalisent de bonnes manières, je suis attablé seul ; mes vêtements froissés sortis des sacoches tranchent avec les tenues de soirée des autres convives. J’aurais plus ma place à la soupe populaire de l’Armée du Salut que dans ce genre d’endroit aussi huppé.
Je perçois les regards indiscrets et condescendants des occupants de la table voisine, je ne me sens pas très à l’aise, il me tarde de déguerpir mais dans ce genre d’établissement l’attente est longue et fastidieuse, elle est proportionnelle au montant de l’addition.
J’imagine un instant l’humiliation que peuvent ressentir les personnes sans domicile fixe sous les regards inquisiteurs des passants . Moi je m’en fous, je ne ferai pas la manche pour payer l’addition, mon projet est sur le point d’aboutir et demain je serai dans le train du retour car il me tarde de retrouver mon épouse.